THÉÂTRES DU MONDE - Le théâtre japonais

THÉÂTRES DU MONDE - Le théâtre japonais
THÉÂTRES DU MONDE - Le théâtre japonais

Une rare perfection formelle, résultat d’une recherche constante dans des voies diverses et toujours originales, un répertoire d’une haute tenue littéraire dû à des dramaturges de génie, à qui seule la faible diffusion hors de leur pays de la langue dont ils usèrent interdit d’occuper la place qui leur revient aux côtés des plus grands dans le panthéon des gloires universelles, voilà qui suffirait à retenir pour les trois formes classiques du théâtre japonais : n 拏 , j 拏ruri et kabuki , l’attention de qui s’intéresse à l’art dramatique.

De plus, l’historien du théâtre et le comparatiste trouveront là une matière sans doute unique au monde, du fait que ces formes d’art spécifiques se sont constituées de toutes pièces à des époques où le pays s’était pratiquement fermé aux influences étrangères, donc en partant d’éléments autochtones ou déjà assimilés. Si l’on ajoute à cela l’existence d’une documentation écrite précise et abondante relatant les diverses étapes de leur formation et la transmission, par une tradition ininterrompue jusqu’à nos jours, non seulement de chacune de ces formes dans leur état achevé, mais de certaines des étapes intermédiaires qui y menèrent, l’on comprendra que l’étude du théâtre japonais dans son ensemble fournit des thèmes de réflexion extrêmement stimulants sur les conditions de la naissance et de l’évolution de l’art dramatique dans une société déterminée, ainsi que sur le rôle sociologique et esthétique de cet art dans la formation d’une structure culturelle globale. Et le plus surprenant n’est certes pas que ce théâtre présente des caractéristiques qui lui sont propres, mais plutôt que l’on puisse y retrouver certaines données universelles, que l’on puisse, par exemple, analyser jusque dans le détail les drames de Chikamatsu selon les critères mêmes qui vaudraient pour Shakespeare: dans de telles conditions, les rencontres, voire les coïncidences, ne peuvent être fortuites: elles ne peuvent traduire autre chose que des constantes inhérentes à la structure même de l’esprit humain. On ne s’étonnera plus de trouver dans les écrits théoriques de Zeami consacrés au n 拏 (qui est, de tout le théâtre japonais, la forme la plus éloignée de nos conceptions) des analyses ou des conseils techniques rejoignant les recherches les plus récentes des metteurs en scène occidentaux les plus audacieux.

1. Les formes ancestrales

Parmi les éléments de la culture chinoise importés massivement au VIIIe siècle figuraient un certain nombre de divertissements que l’on peut tenir pour des formes rudimentaires des arts du spectacle. Selon leur contenu et leur destination, on les a classés sous trois rubriques: gigaku , bugaku et sangaku .

Les gigaku

Importés en 612, les gigaku ne sont plus connus que par la brève description qu’en donne Koma Chikazane au XIIIe siècle, dans un traité musical, et par deux cent vingt-trois masques conservés dans des musées ou des monastères de Nara. Il s’agirait d’une sorte de mascarade de carnaval, d’un défilé de grotesques dansant au son d’une musique grossière, mêlé de courtes pantomimes réinterprétées en fonction d’une symbolique bouddhique. Spectacle populaire qui avait drainé à travers l’Asie centrale et la Chine les éléments les plus hétéroclites, chinois, indiens, ou plus lointains encore, le gigaku, par suite d’une coïncidence purement chronologique, avait été associé par les Japonais aux rites du bouddhisme, voire du shint 拏 .

Le bugaku

Introduites au VIIIe siècle par des artistes chinois qui firent souche au Japon, les chorégraphies dites bugaku et leur musique d’accompagnement, le gagaku , sont au contraire l’aboutissement ultime d’un art raffiné pratiqué à la cour des Tang. Il s’agissait là d’une forme de danse quintessenciée et d’une musique extrêmement savante, que la Chine a oubliées depuis mille ans, mais que les musiciens et les danseurs attachés au Palais ont perpétuées jusqu’à nos jours sans altération notable. Au répertoire importé, des artistes japonais ont, au Moyen Âge, ajouté des pièces composées sur des thèmes autochtones, mais selon les normes chinoises. Bien qu’associées parfois à des solennités religieuses, ces danses, exécutées par des interprètes masqués ou non, en costumes de la cour des Tang ou de l’époque de Heian (IXe-XIIe s.), jouaient dès l’origine un rôle essentiellement esthétique; il ressort en effet de tous les textes que, pour les courtisans de Heian, elles étaient avant tout un divertissement, auquel les plus grands personnages de l’État n’hésitaient pas à prendre une part active.

Les sangaku

Sous la rubrique sangaku, «divertissements mêlés», l’on range toutes les autres formes de spectacle importées en même temps que le bugaku, et qui bientôt se mêlèrent et se confondirent avec les divertissements populaires autochtones, au point que leur origine fut oubliée: dès le XIe siècle, une étymologie populaire en avait fait des sarugaku , «singeries». Sous ce nom, on rangeait désormais tous les spectacles de foire, tels ceux de jongleurs, acrobates, funambules, montreurs d’animaux, etc., mais aussi ceux de quatre catégories qui allaient jouer un rôle essentiel dans la formation d’un théâtre au sens strict: des conteurs, souvent aveugles, qui sous l’habit des moines errants colportaient des récits édifiants ou burlesques ponctués par les accords du biwa (luth à quatre cordes), ancêtres des aèdes qui chantèrent plus tard la Geste des Taira , Heike monogatari ; des montreurs de marionnettes rudimentaires en bois ou terre cuite (kugutsu-mawashi ), qui furent au XVIIe siècle les premiers interprètes des j 拏ruri; des troupes d’acteurs nomades qui interprétaient les farces d’où sortiront les ky 拏gen , intermèdes des n 拏, au XIVe siècle, et le kabuki au XVIIe siècle; les shushi enfin, les «maîtres ès exorcismes», mi-moines, mi-charlatans, mais danseurs surtout, dont les descendants créeront le sarugaku no n 拏 , qui deviendra à la fin du XIVe siècle le grand art du n 拏.

À ces trois formes de spectacle importées du continent, l’on ajoute généralement les kagura , danses ou drames liturgiques du shint 拏. Mais l’examen de leurs formes actuelles, et même les descriptions anciennes, dont certaines remontent au Xe siècle, montrent qu’ils ont été, au fil du temps, remaniés et adaptés au goût du jour si souvent et si complètement que leur forme primitive disparaît totalement sous les apports successifs empruntés au bugaku, aux sarugaku, voire au n 拏. Il en va de même des dengaku , «danses agrestes» issues des ta-mai , «danses des champs», qui aboutirent au XIVe siècle à la forme plus raffinée du dengaku no n 拏, très proche en fait du sarugaku no n 拏, qui les absorbera avant d’entraîner leur disparition: quelques variantes locales ont subsisté, que leur nom seul différencie des kagura inspirés du n 拏 .

2. Un théâtre poétique: le n size=5拏

Les origines

Aux environs de 1350, le dengaku no n 拏, dégagé de la gangue grossière des sarugaku, avait su, par ses chorégraphies sur des thèmes littéraires et par la recherche du y gen – ce «charme subtil» dont Zeami fera la qualité primordiale du n 拏 –, conquérir la faveur d’un public d’esthètes.

Le sarugaku no n 拏, par contraste, faisait figure d’art vulgaire, se complaisant aux farces grossières, aux danses de démons, violentes et grotesques. Mais par une brusque mutation, due au génie d’un seul, l’acteur de sarugaku Y zaki Kiyotsugu, plus connu sous le nom de Kan.ami, un art nouveau en naîtra bientôt. Remarqués en 1374 par le sh 拏gun Ashikaga Yoshimitsu, attachés à la personne de ce dernier, au grand scandale de son entourage, en qualité de maîtres des divertissements de son palais, Kan.ami (1333-1384) et surtout son fils et successeur Motokiyo, le futur Zeami (1363-1443), allaient, en quelques décennies, créer le n 拏. Cette nouvelle forme de spectacle alliait au «charme» du dengaku la «puissance» du sarugaku, en choisissant dans la littérature, et singulièrement dans l’épopée, des thèmes dramatiques, en tirant le meilleur parti aussi de la déclamation épique (hei-kyoku ), de la musique du gagaku et de la chorégraphie du bugaku.

Auteurs, acteurs, musiciens, metteurs en scène, théoriciens du spectacle, en un mot hommes de théâtre au sens complet du terme, Kan.ami et Zeami – qui allaient fonder l’illustre lignée des Kanze – composaient les livrets de n 拏 (y 拏kyoku ) selon des règles définies et raisonnées par Zeami dans son fameux traité de composition du n 拏, règles qui s’imposèrent à leurs successeurs au point que ces derniers ne font que les pasticher. Ils avaient en effet porté d’emblée leur art à un degré de perfection tel que toute innovation semblait interdite; et l’on peut soutenir que, paradoxalement, le génie des créateurs fut la cause première de la sclérose qui frappa le n 拏 dès leur disparition, et qui le figea définitivement dans le moule qu’ils avaient fabriqué. Ce qui nous vaut du moins l’avantage rare de voir interpréter, sans altération essentielle, les pièces de ces maîtres dans leur forme première, par des acteurs dont le visage est parfois caché par des masques pour eux jadis sculptés.

«Théâtre de la réalité» et «n size=5拏 d’apparitions»

Le trait le plus étrange du n 拏 est sans doute dans le traitement qu’il fait de l’anecdote, et c’est là probablement une invention de Zeami, qui remania les textes de son père en fonction de ses propres conceptions. En général dans le théâtre, et c’est le cas également dans le j 拏ruri et le kabuki, la convention essentielle est celle qui fait du spectateur un contemporain d’un événement du passé, dont les héros incarnés par les acteurs revivent devant lui les épisodes. Cette convention est respectée par le n 拏 dans la catégorie des genzai-mono , ou «théâtre de la réalité», d’inspiration généralement épique, mais faite pour une bonne part de pièces postérieures à Zeami. Toutes les autres, formant les quatre cinquièmes du répertoire, font appel à une conception radicalement différente, que l’on pourrait dire «onirique», du drame. Ce sont les «n 拏 d’apparitions».

Dans ce théâtre, le spectateur n’est pas censé quitter son temps. Sur la scène, un personnage qui joue à visage découvert, un moine voyageur la plupart du temps, que l’on appelle le waki , «celui du côté», ainsi nommé parce qu’il se tient le plus souvent assis sur le côté droit du plateau, représente et en quelque sorte incarne le spectateur dont il est le contemporain. Son rôle est double: par la seule vertu du «chant du voyage» (michi-yuki ) qu’il interprète en parcourant à pas lents la scène sans décors, il entraîne l’assistance jusqu’en un lieu où il s’est passé quelque chose en des temps plus ou moins reculés. Le soir venu, le voyageur fatigué demande l’hospitalité à «un habitant de l’endroit», qui apparaît en costume et masque convenus de «vieillard», «vieille femme», «jeune femme», «pêcheur», «paysan», etc. Entre les deux personnages s’engage une conversation à bâtons rompus, dont le thème sera tout naturellement le combat, les amours tragiques, l’aventure dramatique que le seul énoncé du toponyme évoque à tous les esprits. Certaines précisions, un tour étrangement personnel que son interlocuteur donne au récit de faits à demi oubliés éveillent les soupçons du visiteur, qui finit par reconnaître en lui le spectre du héros de l’aventure contée.

Le protagoniste (shite : «celui qui agit») alors «disparaît», c’est-à-dire quitte la scène après avoir dévoilé son identité. Sur le plateau resté désert, un acteur de ky 拏gen costumé en «homme du commun», s’avisant de la présence de l’étranger, lui donne une version objective, voire terre à terre ou satirique, de l’événement, signalant au passage que d’aucuns parfois ont vu le spectre errer sur les lieux. Le moine alors prie pour le repos de l’âme en peine, en un «chant d’évocation».

Le rideau qui ferme les coulisses se soulève, livrant passage au shite qui, cette fois, porte masque et costume définissant l’âge, la classe sociale et le rang du héros: guerrier, dame ou courtisan, par exemple. Le moine l’interpelle et l’invite à un retour sur lui-même, en une sorte de confession (zange ) qui lui révélera la cause de ses propres tourments: l’attachement au-delà de la mort à des passions, fureur guerrière ou amour, dont l’obsession fait obstacle à son anéantissement dans la bouddhéité. Et le héros revit, dans une succession incohérente qui est de la nature des songes, les actes et les sentiments qui scellèrent son destin: fureur meurtrière, jalousie, orgueil, regret d’un amour perdu, désir de vengeance. Enfin, dans les lueurs de l’aube, le spectre s’efface et le moine s’éveille d’un rêve qui l’a mené au «carrefour des songes» (yume no chimata ), où le monde des vivants et des morts, des dieux, des bouddhas et des hommes, où le passé et le présent se rencontrent et s’interpénètrent. Un vide soudain se crée, souligné par le silence abrupt d’une musique qui allait crescendo tout au long de la dernière partie, et le spectateur s’éveille à son tour d’une sorte de fascination hypnotique qui l’avait pour un moment fait vivre hors des dimensions du temps et de l’espace, dans un univers où se confondent les destins des hommes dans une vanité absolue.

Cette description ne s’applique strictement qu’aux pièces dont les héros sont humains. Mais le schéma n’est guère différent lorsque apparaissent des divinités (shint 拏) ou des démons dans des transpositions de légendes. Dans l’optique bouddhique, les démons sont des êtres que des fautes commises dans des existences antérieures condamnent à leur état présent; eux aussi parfois «se confessent» pour obtenir le salut.

De ce qui précède, l’on pourrait conclure que le n 拏 est un théâtre religieux. En fait, s’il est issu de spectacles paraliturgiques, il était devenu à la cour de Yoshimitsu un divertissement tout intellectuel. Tout ce que Zeami en dit dans ses traités, dont l’ensemble constitue la «tradition secrète» du n 拏, confirme cette affirmation. Dans un milieu d’esthètes qui professent un zen de bonne compagnie proche de l’agnosticisme, démons et spectres ne sont plus que des fictions littéraires dont Zeami, dans ses Entretiens recueillis par son fils, nie formellement l’existence réelle. La «vision» du waki , la présentation de l’action sous trois éclairages différents sont autant de procédés poétiques relevant de préoccupations analogues à celles du play-back du cinéma moderne.

Mais le rôle essentiel dans la reconstitution du personnage et de son destin incombe à l’imagination du spectateur à qui la mise en scène n’est d’aucun secours, laquelle suggère toujours sans jamais montrer. Un plateau de trois ken (5,40 m) de côté, prolongé à l’arrière par un espace d’un ken (1,80 m) de profondeur à la limite duquel prennent place trois ou quatre musiciens (en partant de la droite: flûte, «petit» tambour, «grand» tambour et «gros» tambour), espace qui lui-même s’ouvre vers la gauche sur un «pont», étroit couloir de longueur variable, nul décor dans tout cela, sinon un pin géant figuré sur la cloison du fond, et parfois un objet symbolique, tel un rameau signifiant une forêt: voilà le lieu scénique invariable où l’acteur situe en quelques mots un lac au clair de lune, une montagne sous la neige, un jardin de palais.

La densité poétique d’un pareil spectacle, la tension psychologique qu’il provoque sont telles qu’une représentation continue des cinq pièces que comporte un programme classique (appelées dans l’ordre: n 拏 de divinité, de guerrier, de femme, de la réalité, de démon) serait physiquement intolérable. Aussi a-t-on intercalé, entre deux n 拏 successifs, une farce, dite ky 拏gen (littéralement: «propos délirants»), dérivée directement des sarugaku. Très proches par leur nature de nos fabliaux, les ky 拏gen sont le plus souvent de petites pièces satiriques qui raillent la femme, le seigneur, le moine, ces éternelles têtes de Turc de l’ironie populaire; le n 拏 lui-même n’est pas épargné, que l’on parodie volontiers, ainsi dans les farces où le terrible Emma, le juge des Enfers, apparaît comme un niais que des humains astucieux parviennent sans peine à duper. Contrastant violemment avec l’esthétisme recherché du n 拏, le comique élémentaire, voire vulgaire, du ky 拏gen contribue de manière extrêmement efficace à rétablir un nécessaire équilibre psychologique.

3. Le j size=5拏ruri et le théâtre de poupées d’ size=5牢saka

Un art populaire

À partir du milieu du XIIIe siècle, les «moines au biwa» avaient chanté dans les villes et les villages, aux carrefours comme dans les châteaux, d’abord la Geste des Heike , puis les autres grandes rhapsodies épiques, du Gempei seisuiki au Taiheiki , en passant par la Chronique de Yoshitsune et la Geste des Soga . Pour répondre au goût d’un public qui ne se lassait pas d’entendre les aventures de ses héros favoris, ils en étaient venus, vers la fin du XVe siècle, à composer de longs récits pseudo-épiques de plus en plus fantaisistes, de plus en plus fantastiques et de plus en plus merveilleux. L’un de ces cycles connut vers 1560 une faveur au moins égale à celle du Heike monogatari : c’est l’histoire de la demoiselle J 拏ruri, qui conte les amours de ce personnage entièrement imaginaire avec l’illustre Yoshitsune à peine sorti de l’enfance. Tel fut le succès de l’Histoire de J 拏ruri en douze épisodes (J 拏ruri j ni-dan s 拏shi ), que bientôt J 拏ruri devint un nom commun désignant toute récitation de ce type.

Vers la même époque, les conteurs avaient troqué l’antique biwa contre le shamisen , guitare à trois cordes récemment importée des îles Ry ky , ce qui les amena à nuancer leur chant en fonction de cette musique plus riche en ressources mélodiques.

Cette manière nouvelle fut perfectionnée au cours du siècle qui suivit par des dizaines de chanteurs estimables qui, la plupart du temps, composaient eux-mêmes leurs textes; ce qui nous en est parvenu témoigne de la richesse de leur imagination, mais aussi de l’indigence de leur talent littéraire, sinon prosodique.

Une étape décisive fut franchie, qui menait à la formation d’un théâtre populaire, au moment où le n 拏, figé, hiératisé, enfermé dans son langage archaïque, se transformait en un spectacle pour initiés et se réfugiait dans les châteaux: c’était l’association des chanteurs de j 拏ruri avec des montreurs de marionnettes qui illustraient leurs récits, créant ainsi le ningy 拏-j 拏ruri (« 拏ruri aux poupées»).

Art mineur, il le fût resté s’il ne s’était produit une rencontre quasi miraculeuse, déterminante autant que celle de Yoshimitsu et de Kan.ami aux débuts du n 拏: la découverte par le chanteur Takemoto Giday (1651-1714) d’un jeune auteur de j 拏ruri qui devait se révéler génial autant sinon plus que Zeami, Chikamatsu Monzaemon (1653-1724). Giday , musicien et chanteur de grand talent, avait enrichi l’art de la déclamation au point que le terme de giday bushi , «chant [à la manière] de Giday », devint bientôt le synonyme de j 拏ruri. En 1684, il ouvrait une salle de spectacle à 牢saka, le Takemoto-za; il s’était essayé lui-même à la composition, mais avec un piètre succès; aussi s’avisa-t-il en 1686 de faire appel à Chikamatsu, auteur déjà réputé de quelques dizaines de 拏ruri à l’ancienne manière et d’un certain nombre de pièces pour le kabuki. Ainsi commença une collaboration de près de quarante années, avec Giday d’abord, puis avec son fils adoptif et successeur Masaday , qui ne se termina qu’avec la mort du dramaturge.

Sous l’influence de Giday , qui savait mettre en valeur les plus subtiles nuances d’un texte, Chikamatsu en vint à composer des pièces de plus en plus complexes, pour aboutir assez tôt à de véritables drames, au sens que nous donnons à ce terme, singulièrement proches – sinon dans leur économie générale, du moins dans la manière de concevoir le développement des situations dramatiques, dans les moyens destinés à soutenir l’intérêt du spectateur, et jusque dans la démesure de certains personnages – des pièces historiques de Shakespeare ou des tragédies de Corneille. Si l’on songe qu’il lui avait fallu inventer les notions mêmes d’action et de dialogue dramatiques, et qu’il ne disposait pour tout interprète que de l’unique voix d’un diseur, au son de laquelle s’animaient des marionnettes à manchon ou des automates, l’on mesurera tout le génie de cet homme et sa prodigieuse faculté d’imagination.

Dans un premier temps, Chikamatsu n’avait encore composé que du «théâtre d’époque», qui n’était malgré tout que le prolongement du j 拏ruri primitif, ultime aboutissement de la déclamation épique. Toutefois, imitant en cela le kabuki qu’il avait beaucoup pratiqué, il y introduisait des scènes entières inspirées de la vie privée de son propre temps, en plaçant par exemple certains épisodes de l’action dans les quartiers de plaisir. En 1703, il va plus loin encore: ayant besoin d’une pièce courte pour compléter un programme, il écrit le Double Suicide à Sonezaki (Sonezaki shinj ), inspiré d’un fait divers tragique, le suicide de deux amants, un commis de marchand et une courtisane. Il inaugurait ainsi un théâtre moderne où les personnages n’étaient plus des princes et des héros d’un passé lointain, mais des petits bourgeois contemporains des spectateurs et appartenant à leur propre classe sociale. Pour mesurer l’importance de cette innovation, que l’on songe au temps que mit l’Occident à admettre que les gens du commun pouvaient être autre chose que des personnages de comédie. Chikamatsu lui-même composa vingt-quatre pièces de ce type qui, bien que destinées à des marionnettes, sont d’une vérité telle qu’il suffit de faire dire le dialogue par des acteurs et de réaliser les décors décrits par le narrateur pour obtenir un théâtre qui réponde, en moins conventionnel, à ce qu’exige le théâtre occidental.

Prestige et raffinement des marionnettes

Un texte de Chikamatsu, chanté par Giday , suffisait à retenir l’attention du spectateur; il est à noter que les critiques du temps mentionnent à peine le jeu des marionnettes. Cependant, après la mort du dramaturge, Takeda Izumo (1691-1756), qui avait succédé à Giday à la direction de la salle, se vit obligé de perfectionner la mise en scène et l’interprétation pour retenir son public. Il fut en cela heureusement secondé par le maître manipulateur Yoshida Bunzabur 拏 qui, vers 1730, transforma totalement la technique des poupées pour en faire ce qu’elles sont aujourd’hui encore. À la petite poupée à manchon tenue à bout de bras, il substitua en effet les grandes marionnettes animées par trois hommes chacune. Le maître au centre, monté sur de hauts geta (sandales de bois), passe le bras gauche par une fente pratiquée dans le dos du vêtement et, de la main, tient le manche qui prolonge le cou d’une tête en bois laqué, manche sur lequel s’insèrent de petits leviers qui font mouvoir les yeux, la bouche, les sourcils, voire le nez; la main droite fait mouvoir le bras droit de la poupée, dont la main et les doigts sont articulés. Le premier acolyte manœuvre la main gauche du simulacre, tandis que le second en fait mouvoir les pieds. On conçoit qu’une opération aussi complexe exige une synchronisation parfaite; en fait, elle est réglée sur le rythme respiratoire du maître manipulateur.

Chose étrange, cette technique, pour artificielle qu’elle est, n’en est pas moins efficace, et le fait même que les animateurs se montrent à visage découvert (dans le «théâtre d’époque») ou masqués d’une cagoule noire (dans les pièces bourgeoises) donne à ce théâtre une dimension supplémentaire. Animées par transmission directe, les poupées participent de la vie de l’homme et se meuvent avec une stupéfiante souplesse. De telle sorte que le spectateur en vient à s’identifier au petit acteur de bois et d’étoffe et à considérer les ombres noires qui le dominent comme une sorte de matérialisation de leur destin auquel il leur est impossible d’échapper.

La perfection des poupées assura le succès, par les prouesses techniques qu’elle permettait, des grandes pièces que Takeda Izumo composait en collaboration avec plusieurs auteurs, et dont deux au moins, par la virtuosité qu’elles exigent, constituent aujourd’hui le clou du répertoire du Bunraku-za d’ 牢saka: ce sont Yoshitsune aux mille cerisiers et Le Miroir de la calligraphie selon la tradition de Sugawara . Une troisième est plus populaire encore, mais pour des raisons différentes: c’est Kana-dehon ch shin-gura (1748, Le Trésor des vassaux fidèles ), qui conte la vendetta des quarante-sept fidèles du seigneur d’Ak 拏.

4. Le kabuki

Les origines

C’est en 1603, l’année même où, nommé sh 拏gun, Ieyasu fondait la dynastie des Tokugawa, qu’il est pour la première fois fait mention dans une ancienne chronique d’un kabuki odori : par une coïncidence curieuse, le kabuki naissait ainsi avec l’époque d’Edo, dont il allait devenir la forme théâtrale privilégiée.

Au commencement fut donc la danse, non pas d’ailleurs l’art raffiné des acteurs de n 拏, glissant lentement sur le plancher de la scène (mai ), mais une évolution beaucoup plus véhémente (odori ), probablement héritière des danses de groupe qui se développèrent dans les milieux populaires à la fin du Moyen Âge.

C’est ainsi qu’une certaine O. Kuni, qui se proclamait attachée à l’important sanctuaire d’Izumo, fit soudain sensation à Ky 拏to en y venant exécuter en l’an 1603 la danse dite «de l’invocation au Bouddha» (nembutsu odori ). Un tel spectacle, remontant au Xe siècle, était cependant fort éloigné de constituer une nouveauté: ce qui dut frapper si vivement les esprits fut que la danseuse portait un pantalon à la portugaise et arborait sur la poitrine rosaire et croix chrétienne, fort à la mode à l’époque malgré les premières persécutions; encore plus impressionnant fut, sans doute, dans la seconde partie de son spectacle, le retour d’O. Kuni travestie en homme du bel air, les deux sabres au côté: elle interprétait des chants et des danses qui furent dits kabuki, d’un terme désignant dans la langue populaire de l’époque un comportement exubérant et quelque peu marginal. C’est seulement après coup que, par un jeu de mots graphique, on forgea un substantif tout à la fois plus respectable et singulièrement approprié: «art de chant et de danse».

La popularité d’O. Kuni, qui fut considérable, lui valut bientôt des imitatrices au sein même des quartiers réservés: intéressées en effet à se présenter sous le meilleur jour au client éventuel, les courtisanes trouvèrent leur compte dans le kabuki naissant, dont le style proche de la revue avait connu une ébauche de dramatisation, et dont la thématique privilégiée concernait fort à propos les us et coutumes en vigueur dans les quartiers de plaisir, de création alors récente. Certaines d’entre elles constituèrent donc des troupes spécialisées, et s’en allèrent avec succès donner des représentations un peu partout dans le pays; puis, lorsque le gouvernement (1629) eut prononcé l’interdiction du spectacle féminin dans un souci d’épuration morale, elles furent purement et simplement remplacées par des éphèbes travestis qui, les ongles faits et les dents noircies comme le voulait alors l’usage féminin, donnèrent, semble-t-il, de la femme une illusion troublante, définissant même les critères de la beauté féminine jusque vers la fin du XVIIe siècle. Le gouvernement balança de nouveau une vingtaine d’années avant de réagir (1652), interdisant cette fois la scène aux adolescents et exigeant que les spectacles fussent désormais pourvus d’une action dramatique, cela afin de supprimer les arguments dansés qui avaient surtout servi à mettre en valeur le charme physique des comédiens. Destinées en principe à lutter contre la dépravation des milieux du spectacle, ces mesures eurent, en fait, la conséquence inattendue de fonder la technique de l’acteur et, plus généralement, de transformer en un art dramatique véritable ce qui n’avait constitué jusque-là qu’une revue d’assez mauvais aloi.

La formation

Avec l’interdiction faite en principe aux jeunes comédiens de paraître sur scène, la carrière des acteurs subit en effet une mutation profonde: réduite auparavant aux trois ou quatre années qui précédaient l’âge adulte, elle devint pratiquement illimitée. Une fois la séduction sensuelle de la jeunesse disparue, le comédien pouvait désormais compter sur son talent et sur son expérience théâtrale pour remplir les emplois nouveaux qui allaient naître avec la complication de l’intrigue: rôles de femme, onnagata , parfois confiés à des acteurs d’âge mûr qui furent conduits à donner de la féminité une vision de plus en plus stylisée, ainsi que toute la gamme des emplois masculins, adolescents, héros «positifs», traîtres, vieillards... C’est l’époque (dernier quart du XVIIe siècle) où Ichikawa Danj r 拏, fondateur d’une illustre lignée de comédiens, fait triompher dans la nouvelle capitale militaire d’Edo (le futur T 拏ky 拏), nouvelle capitale militaire, sa «manière forte» (aragoto ), qui vise à exprimer une puissance physique surhumaine par l’emphase du jeu et l’extravagance des maquillages et des costumes. S’il ne dédaigne pas de s’adonner sous un pseudonyme à la création dramatique, fidèle en cela à une antique tradition japonaise de l’auteur-acteur, en revanche Sakata T 拏j r 拏, qui impose à la même époque sa «manière douce» (wagoto ) sur les scènes de Ky 拏to et d’ 牢saka, s’octroie les services de Chikamatsu Monzaemon, premier dramaturge japonais dont la carrière n’ait rien dû à une activité parallèle de comédien. Chikamatsu se partagera vingt ans entre le kabuki et le théâtre de marionnettes, bâtissant à l’intention de T 拏j r 拏 de sombres histoires de succession féodale où le grand comédien pouvait faire admirer son personnage touchant de jeune premier fragile et invariablement amoureux d’une courtisane au cœur fidèle. À compter cependant du succès exceptionnel que Double Suicide à Sonezaki obtient en 1703 au théâtre de poupées, Chikamatsu va se consacrer presque exclusivement au ningy 拏-j 拏ruri , qui accomplit au cours de la première moitié du XVIIIe siècle des progrès considérables, tant dans le domaine de la dramaturgie que dans celui de la technique de manipulation. Un long moment éclipsé par le genre rival, le kabuki ne trouvera paradoxalement son salut que dans l’adaptation des spectacles qui avaient réussi chez les marionnettes: c’est ainsi qu’en 1748 l’une des trois grandes salles de kabuki d’Edo invitait un récitant, trois joueurs de shamisen et six marionnettistes d’ 牢saka à diriger les répétitions de Yoshitsune aux mille cerisiers dans sa version kabuki. Le spectacle se donna pendant plus de deux mois devant des salles combles, créant ainsi une tradition d’emprunt systématique au répertoire aussi bien qu’à la présentation scénique du théâtre de poupées: le public semble en effet avoir éprouvé un vif plaisir à voir les acteurs s’assimiler la gestuelle des marionnettes, et, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, alors qu’en un mouvement pendulaire c’était désormais au tour des poupées de connaître le déclin, le kabuki allait amorcer à leur contact une évolution décisive, et se fixer pour l’essentiel dans l’aspect qui est aujourd’hui le sien.

La maturité

Dès cette époque, les spectacles (drames historiques, arguments dansés ou scènes de la vie populaire) sont présentés dans de vastes salles où l’invention scénographique et l’ivresse des machines se donnent libre cours: tandis que le hanamichi , long prolongement scénique qui traverse le parterre, conduit les comédiens au milieu même de leur public, la scène tournante, les trappes munies de monte-charge et les décors construits livrent résolument le spectacle au domaine de l’illusion.

Maître du «drame de revenants», sorte de Grand-Guignol métaphysique évoquant avec un goût prononcé pour le macabre les agissements de spectres vengeurs, Tsuruya Namboku (1755-1829) saura exploiter pleinement les ressources spécifiques du genre, tout en ouvrant la voie, par le réalisme de sa description des bas-fonds d’Edo, au «théâtre des voleurs» illustré notamment par Kawatake Mokuami (1816-1893). Ce dernier, auteur de quelque trois cent soixante textes dramatiques, demeure aujourd’hui encore le plus couramment représenté de tous les dramaturges de kabuki. Sa carrière, qui couvre aussi bien la fin de l’époque d’Edo que les débuts de l’ère Meiji, témoigne fidèlement des efforts accomplis par le monde du kabuki pour s’adapter à la situation nouvelle créée par l’occidentalisation du pays: après s’être longtemps consacré à fournir des rôles pittoresques de petits truands à l’acteur Ichikawa Kodanji IV, qui excellait dans l’évocation du «milieu», Mokuami s’associe avec le producteur Morita Kanya, qui édifie en 1872 la première salle partiellement inspirée de critères occidentaux, et écrit notamment à l’intention du grand acteur Ichikawa Danj r 拏 IX des «pièces d’histoire vivante» qui seront à l’origine d’un «nouveau kabuki» animé d’un souci de réalisme historique et psychologique, et qu’illustreront des dramaturges tels que Tsubouchi Sh 拏y 拏 (Une feuille de paulownia , 1904) et Mayama Seika, qui proposera dans les années 1930 une version historicisante de la célèbre affaire des quarante-sept r 拏nin .

5. Le théâtre moderne

Le shimpa

Avec l’occidentalisation, le kabuki va toutefois perdre la situation de quasi-monopole qui avait été la sienne depuis le déclin du théâtre de poupées, et, dès la fin du XIXe siècle, des intellectuels proches du Mouvement pour les droits civiques vont s’efforcer d’imposer sous le nom de shimpa («courant nouveau») un théâtre à thèmes contemporains destiné à véhiculer les idées libérales auprès du grand public. La présentation scénique et le jeu d’acteurs restent toutefois très fortement dépendants du kabuki, et le répertoire s’infléchit rapidement vers des drames de mœurs à caractère larmoyant qui n’offrent plus aujourd’hui qu’un plaisir nostalgique à quelques rares vieux habitués. Si le shimpa ne saurait donc plus constituer pour le kabuki un concurrent sérieux, il n’en va pas de même du shingeki , le «nouveau théâtre» à l’occidentale autour duquel a fini par s’organiser l’essentiel de la vie théâtrale.

Le shingeki

Le genre doit beaucoup aux initiatives de l’écrivain et metteur en scène Osanai Kaoru (1881-1928), qui fonde en 1907 le Théâtre Libre (Jiy gekij 拏) – dont la dénomination traduit clairement la vocation naturaliste – et qui s’associe avec un acteur de kabuki d’esprit singulièrement ouvert, Ichikawa Sadanji II, pour représenter les grands noms de la dramaturgie occidentale de l’époque (Tchekhov, Ibsen, Maeterlinck, Gorki...). Le groupe, qui fonctionne sur une base expérimentale à raison de deux ou trois courtes séries de représentations annuelles, disparaît en 1919. Osanai, qui a entre-temps effectué un voyage d’études en Occident au cours duquel il a pu observer les méthodes de travail en vigueur chez Craig, Reinhardt et surtout Stanislavski, dont l’exemple le marque profondément, participe en 1924 à la fondation par Hijikata Yoshi (adepte quant à lui des idées de Meyerhold) du Petit Théâtre de Tsukiji, première salle permanente destinée au répertoire contemporain. La troupe, qui se consacre tout d’abord de manière exclusive au domaine étranger, accueillera toutefois à compter de 1926 des pièces japonaises, à commencer par L’Ermite , de Tsubouchi Sh 拏y 拏, animateur lui-même entre 1905 et 1913 d’une société littéraire (Bungei ky 拏kai) où il avait notamment fait représenter ses propres traductions de Shakespeare. La disparition prématurée d’Osanai va toutefois précipiter la rupture entre les diverses tendances esthétiques et politiques qui avaient jusque-là tant bien que mal coexisté au sein de l’équipe, et la fondation par Hijikata (1929) de la Nouvelle Troupe de Tsukiji, de tendance expressionniste, témoigne de la radicalisation qui s’opère à l’époque dans le monde du théâtre japonais, où plusieurs groupes révolutionnaires s’efforcent d’imposer un théâtre visant à l’action politique immédiate sur le public populaire.

Au début des années 1930, une tendance conservatrice va cependant s’affirmer, confortée du reste par la sévère répression policière qui s’abat sur le théâtre prolétarien à compter de l’incident de Mandchourie (1931), qui marque un tournant décisif dans l’évolution autoritaire du régime. Le mouvement aboutira à la fondation par les dramaturges Kubota Mantar 拏, Kishida Kunio et Iwata Tomoo (ces deux derniers se réclamant de l’exemple de Copeau) du Bungaku-za (Théâtre Littéraire), label qui indique assez bien les choix esthétiques et la volonté de désengagement politique qui sont les leurs. Le Bungaku-za, qui donne sa première représentation en 1938, sera d’ailleurs l’unique troupe de shingeki à poursuivre ses activités après que le gouvernement eut prononcé (en août 1940) la dissolution des troupes de gauche, ou présumées telles, et emprisonné leurs directeurs. Fortement centrée autour de l’actrice Sugimura Haruko, la troupe a dans l’ensemble conservé les orientations qui présidèrent à sa formation, et continue à illustrer dans des salles louées pour l’occasion un répertoire éclectique où Tchekhov, Giraudoux et Tennessee Williams voisinent avec des auteurs japonais contemporains. Le Haiy -za (Théâtre des comédiens), créé en 1944 à l’initiative de Senda Koreya, un «ancien» du théâtre prolétarien qui avait passé une partie de la guerre en prison, renouvelait en revanche l’expérience du Petit Théâtre de Tsukiji en installant en 1954 une salle permanente où se sont longtemps exprimées des conceptions brechtiennes assez dogmatiques. Par la suite, la sclérose rapide d’un théâtre fondamentalement étranger à la tradition japonaise devait entraîner, dans le sillage du grand mouvement de contestation politique centré sur la question de la reconduction du traité de sécurité nippo-américain (1960), l’apparition d’une avant-garde au sein de laquelle on retiendra notamment les noms de Suzuki Tadashi (1939-), animateur du Petit Théâtre de Waseda et artisan d’une impressionnante relecture corporelle du langage théâtral, ainsi que de Kara J r 拏 (1940-), auteur, acteur et metteur en scène qui, dans le cadre précaire de sa «tente rouge», propose une vision tout à la fois sarcastique et nostalgique des mythes populaires du Japon d’après-guerre.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Нужен реферат?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Decor dans le theatre japonais — Décor dans le théâtre japonais Deux tendances différentes partagent le domaine du décor dans le théâtre japonais : l une s en tient aux anciennes traditions du théâtre kabuki, l autre s inspire du réalisme européen. Ce n est cependant pas… …   Wikipédia en Français

  • Décor Dans Le Théâtre Japonais — Deux tendances différentes partagent le domaine du décor dans le théâtre japonais : l une s en tient aux anciennes traditions du théâtre kabuki, l autre s inspire du réalisme européen. Ce n est cependant pas une opposition totale : les… …   Wikipédia en Français

  • Décors dans le théâtre japonais — Décor dans le théâtre japonais Deux tendances différentes partagent le domaine du décor dans le théâtre japonais : l une s en tient aux anciennes traditions du théâtre kabuki, l autre s inspire du réalisme européen. Ce n est cependant pas… …   Wikipédia en Français

  • Décors de théâtre japonais — Décor dans le théâtre japonais Deux tendances différentes partagent le domaine du décor dans le théâtre japonais : l une s en tient aux anciennes traditions du théâtre kabuki, l autre s inspire du réalisme européen. Ce n est cependant pas… …   Wikipédia en Français

  • Décor dans le théâtre japonais — Deux tendances différentes partagent le domaine du décor dans le théâtre japonais : l une s en tient aux anciennes traditions du théâtre kabuki, l autre s inspire du réalisme européen. Ce n est cependant pas une opposition totale : les… …   Wikipédia en Français

  • théâtre — [ teatr ] n. m. • 1213; lat. theatrum; gr. theatron I ♦ (Édifice). 1 ♦ Antiq. Construction en plein air, généralement adossée à une colline creusée en hémicycle et comprenant quatre parties : le « theatron » (enceinte destinée au spectateur), l… …   Encyclopédie Universelle

  • THÉÂTRE OCCIDENTAL - La scène — Pour l’historien du théâtre, le XXe siècle se confond avec l’âge d’or de la mise en scène. Elle est née dans les vingt dernières années du siècle précédent. En créant le Théâtre Libre en mars 1887, André Antoine s’est promu premier metteur en… …   Encyclopédie Universelle

  • Theatre irlandais — Théâtre irlandais Théâtre Par catégories Personna …   Wikipédia en Français

  • Monde flottant — Ukiyo e Utamaro : Trois Beautés de notre temps Ukiyo e (浮世絵, Ukiyo e …   Wikipédia en Français

  • Théatre Kabuki — Kabuki Le kabuki (歌舞伎) est la forme épique du théâtre japonais traditionnel. Centré sur un jeu d acteur à la fois spectaculaire et codifié, il se distingue par le maquillage élaboré des acteurs et l abondance de dispositifs scéniques destinés à… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”